Ces Alsaciens qui chantent
la révolte

Nàcht Session #9

L'Alsace, terre de musique. De musiques. Pour en montrer la vaste palette, nous déclinons les talents alsaciens en chansons par thématique. Aujourd'hui, laissons chanter des Alsaciens révoltés.

Les Alsaciens ont la révolte dans le sang. Ou plutôt dans l'histoire. Au moins depuis 1870 et une guerre qui a remis en cause leur identité. Et transformé leur sort en étendard. La Strasbourgeoise est une chanson de la revanche composée après la défaite de 1870 pour le café-concert, paroles de Gaston Villemer et Lucien Delormel, musique de Henri Natif. Ici sous-titrée en espagnol, pour élargir le champs des fans.

La rage et la révolte, aujourd'hui, ne sont plus dans les chants militaires mais dans le rap, notamment. Et ça, l'Alsace connaît bien.

Toujours cagoulé, Siboy, le Mulhousien pote de Booba, a la rage au ventre et les mots enflammés. Et sa fureur envenimée, il sait la distiller à 90°.

Rien de plus révoltant que la misère et l'indifférence qui l'accompagne trop souvent. Ces personnes vivant sur les trottoirs restent des humains avec une dignité qui mérite le respect. Même assis, l'homme peut rester debout.

L'homme debout, c'est lui. Claudio Capéo. Depuis 2016, le Cernéen chante cette dignité dans la misère. " Malgré toutes mes galères je reste un homme debout".

De là à rêver du grand soir, à souhaiter la révolution, à exiger la rébellion, à vouloir renverser l'ordre établi, à prôner l'insurrection...

Il n'y a qu'un pas que le mystérieux Général Olive, originaire de Pfaffenheim, franchit sur de doux rythmes caribéens. "On va renverser le jeu, on ne suivra plus le troupeau"...

Certaines révoltes supportent mal le passage du temps et les chansons qu'elles inspirent se périment assez vite.

C'est un peu le cas du chef d'oeuvre de 2015, Alsassinée, créée par le "Collectif Alsace" pour protester contre la création du Grand Est. Une chanson qui a un peu perdu de sa pertinence avec l'arrivée de la Collectivité européenne d'Alsace. Accessoirement, on n'a pas souvenir d'avoir vu d'un coup disparaître colombages, vignes et choucroute, mais peut-être a-t-on manqué d'attention.

Après cet intermède historique, revenons à la révolte contre la misère. "On pèse pas lourd qu'on n'a plus rien que la peau sur les os et les yeux pour pleurer..."

Ça, c'est du Valiumvalse, le groupe mulhousien d'origine des frangins Sébastien et Stéphane Jordan. Avec au bandonéon Michel Ludwiczak. Le groupe n'existe plus, mais sa révolte est encore là, avec notamment le titre Un euro par jour, daté de 2008.

Dans la même série, la Fanfare en pétard a lâché son flow contre la finance, en 2013, avec Noir comme l'or. On a dit révolte ?

Yo man, la révolution est en cours, version ganja. Mais quelle révolution ? Celle de la nostalgie ou celle d'un nouvel avenir ?

Côté nostalgie, on n'a pas fait mieux que les Strasbourgeois de Skannibal Schmitt et leur comptoir de 2013.

Et les Haut-rhinois de Spirit Revolution ne sont pas en reste question désir de transformation de la société. Une vidéo de 2014 qui ressemble à un clip du confinement...

Parfois, c'est pour les générations futures que l'on s'insurge. Avec l'espoir de voir un jour 100 000 enfants serrer dans leur poing l'étendard de l'amour révolté.

C'est en 1976 que sort le cinquième album de Jacques Higelin, Alertez les bébés, classé 29e meilleur album de rock français par le magazine Rolling Stone en 2010.

La musique elle-même, au-delà des paroles, peut être porteuse d'une rage cathartique. Le metal en témoigne.

Par exemple celui du groupe colmarien, aujourd'hui dissout, Hollow Corp. On ne comprend pas vraiment ce que dit Thujon, sorti en 2007, mais on sent bien que les musiciens sont un peu énervés, non ?

La révolte est aussi un lien social, une occasion pour le peuple de se sentir uni. On se souvient tous, sans doute, de cet élan collectif qui a emporté la France après les attentats de Charlie Hebdo, en janvier 2015.

Un élan qui a trouvé sa concrétisation musicale en Alsace. Quelques jours après les attentats, 150 artistes regroupés au sein du collectif « Pour ne pas oublier Charlie »  - sous la houlette de Jean-Pierre Schlagg, Michel Reverdy et Roger Siffer - ont enregistré le clip de Die Gedanken sind frei, une chanson traditionnelle allemande, qui affirme : « Elles sont libres, les pensées/Personne ne peut les arrêter/Les pensées peuvent s’envoler/Comme une ombre dans l’obscurité... »

Guete Nàcht(Session)